Chaque génération finit-elle inévitablement par se prendre en pleine gueule les avancées de son monde contemporain ? J’ai l’impression que oui. J’entends encore mon sucre d’orge de grand-mère me dire “tu sais ma chérie lorsque j’étais jeune...”, ma mère qui a pourtant tutoyé l’avant-gardisme toute sa vie fredonne que c’était plus simple avant et qu’elle déteste ce nouveau monde. Autour de moi le refrain sur les dégâts des écrans et les déboires d’un monde qui va trop vite est bien ancré.
Je pense adhérer à ce constat, “mon monde d’avant” me semble également plus doux que celui dans lequel je vis. Mais je lui trouve aussi quelques vertus. L’une d’entre elle est son progressisme en termes d’orientation et d’identité sexuelle. En une génération les jeunes ont gagné la banalisation d’aimer une personne du même sexe, le droit de ne pas savoir si on préfère les garçons ou les filles, ou les 2. Cela n’est plus sujet.
En novembre avec une amie nous avons emmené nos filles de 10 ans voir un concert de Pomme. Lorsque la chanteuse a demandé à son public, une majorité de trentenaire, “s’il y avait des personnes Queer dans la salle" le public s’est enflammé. Face à cet enthousiasme ma fille et son amie nous ont interpellées sur le sens du mot Queer. C’est idiot mais apparemment ni la mère de l’amie de ma fille ni moi n’étions à l’aise pour répondre et nous avons finalement botté en touche. Pour moi Queer c’était un terme un peu flou, vaguement en lien avec LGBT mais j’étais bien incapable d’en dire plus. Le mot "queer" aurait pour origine le vieil anglais "cwir", employé pour définir ce qui était "étrange", "différent" ou "inhabituel". Le terme a été repris par la communauté LGBT en guise de fierté et d'autonomisation. Aujourd’hui Queer est devenu un terme générique utilisé pour présenter la diversité des orientations sexuelles ainsi que les différentes identités de genre. J’en retiens qu’on est queer quand on ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle et/ou ne se sent pas appartenir à un genre défini.
Je me souviens au lycée d’une amie qui était stigmatisée de part son orientation sexuelle justement. Elle était traitée de “gouine” et si je lui parlais on me demandait ce que je foutais avec elle… Rien que le fait de lui parler allait me coller la même identité sexuelle. La génération de mes enfants a la chance de vivre dans un monde qui a progressé sur ce point. Je trouve cela important de leur rappeler que c’est une liberté qui n’est pas si récente et pour laquelle il a fallu se battre.
Merci à Pomme, aux artistes et militants qui oeuvrent pour que le progressisme positif, celui qui touche à l’humain, celui qui permet aux femmes et aux hommes de vivre en accord avec leurs vrais besoins. Le seul progressisme qui fasse réellement grandir la société.
Extrait du magnifique “On brûlera”, ôde à l’amour entre Pomme et l’artiste Safia Nolin qui en dit long sur le combat qu’elle a dû mener pour que sa famille l’accepte telle qu’elle est.
Je m'excuse auprès des dieux
De ma mère et ses louanges
Je sais toutes les prières
Tous les vœux
Pour que ça change
Mais je veux partir avec toi
Je veux mourir dans tes bras
Pour accompagner ce texte une playlist courte qui met à l’honneur des artistes Queer comme Anthony & The Johnsons devenu Anohni and the Johnsons et des morceaux qui racontent un combat comme Here’s to you magnifiquement chanté par Joan Baez. Ce morceau très emblématique des années 70 rend hommage à Sacco et Vanzetti anarchistes américains d'origine italienne injustement condamnés à mort. Et je me fais plaisir en intégrant à cette playlist le thème principal du film Hair de Milos Forman que j’ai du voir 15 fois quand j’étais ado. Magnifique film sur la guerre du Vietnam, la liberté et les hippies. Bande son à écouter en boucle.