J’ai ouvert ce blog avec le billet “Pourquoi ça fait du bien d’avoir un ado à la maison” dans lequel j’affirmais que voir grandir mon fils me faisait grandir. Il avait presque 16 ans. Il vient d’en avoir 17 et si je nuance un peu le “pourquoi ça fait du bien” je persiste et affirme que vivre avec un ado peut nous faire grandir, à condition d’apprendre à faire un pas de côté. Illustrations.
Vivre avec un ado ? C’est accepter de lui laisser l’appartement pour faire une fête en sachant pertinemment que toutes les consignes ne seront pas respectées mais en me rappelant l’ivresse de la nuit, celle des amis et me dire que je suis heureuse qu’il la vive à son tour. C’est finir par ne plus m’inquiéter quand il ne répond pas à mes sms sans doute noyés dans des fils de discussions bien plus trépidants que mes “Pense à réserver la cantine” “A quelle heure rentres-tu mon coeur” ou “N’oublie pas de remercier ta grand-mère”. C’est ne plus me mettre en colère quand il commence sa dissertation le dimanche pour le lundi, qu’il se réveille 5 mn avant un cours en visio ou qu’il refuse encore de faire des fiches. Sa méthode est différente de la mienne me dit-il, et “s’il se prend une banane ce sera son problème pas le mien”.
Vivre avec un ado c’est aussi apprendre petit à petit à renoncer aux projections que l’on faisait pour son enfant.
Au nombre de livres que je lui ai lus et surtout qu’il a lus tout seul entre 8 ans et 13 ans (entre autres 7 tomes d’Harry Potter, une bonne partie de l’oeuvre de Tolkien - 3 tomes des Seigneur des anneaux, 3 tomes des Hobbit), je le projetais littéraire. Aujourd’hui, son professeur de français souligne “un manque d’intérêt pour la matière”. Dont acte, il excelle en SVT. Je l’imaginais jouer de la guitare, ses 100h de spotify sont à 90% colorées Rap.
Vivre avec un ado amène peu à peu à désidéaliser son enfant pour l’accepter tel qu’il est. Et ainsi prendre le temps de s’intéresser à son univers pour progressivement changer son regard. Vivre avec un ado c’est ne pas juger quand il me parle avec passion du dernier album de Freeze Cornéole, se forcer à écouter et se surprendre à aimer la mélodie entêtante du terrible Manifeste de Guizmo ou avoir des frissons à l’écoute de Petite Fille de Booba. Vivre avec un ado c’est finir par sourire quand il s’endort devant Le Rouge et le Noir. C’est ne rien dire quand il veut faire son dîner, qu’il ne mange que des pâtes et qu’il ne lave pas sa casserole. C’est lâcher sur le rangement de sa chambre, sur les brocolis et sur la vitamine C. C’est se rappeler que même si je veux le meilleur pour lui c’est sa vie ce n’est pas la mienne. C’est apprendre à lui faire confiance et par la même occasion à me faire confiance et à avoir confiance en la vie.
Et surtout, c’est s’émouvoir tous les jours en l’observant devenir ce jeune adulte avec sa personnalité différente de la mienne et de celle de son père. Si la vie avec un ado est parfois chaotique, j’ai décidé de la vivre comme riche et formatrice. Une vie qui m’emmène sur le chemin du lâcher prise. Lâcher l’enfant pour le laisser devenir adulte, lâcher sur mes convictions pour écouter les siennes et ouvrir grand les fenêtres.