Lorsque j’ai rencontré Jeanne elle avait 25 ans. Je recherchais alors quelqu'un pour m’accompagner sur un projet événementiel. Ce qui m’a tout de suite frappé c’est sa grande verticalité. Comme si la Confiance avec en grand C avait déjà forgé sa personnalité, une personnalité très centrée pour une aussi jeune personne. En apprenant à la connaître au fil des années cette impression s’est confirmée. Depuis cette première rencontre les années ont passé, Jeanne a suivi son chemin, un chemin bien à elle.
En observant les personnes autour de moi je capte rapidement celles qui sont dotées de confiance intérieure. A compétences et qualités égales je suis persuadée que c’est la confiance en soi et en la vie qui fait la différence. Certaines personnes brillantes n’accéderont pas à leurs rêves si leur confiance n’est pas acquise ou à défaut si elle n’a pas été travaillée. Je parle de ce sujet dans le point 2 de mon article “Quand on prend toujours le même chemin on va toujours au même endroit”.
Revenons à Jeanne. J’ai souhaité l’interviewer 15 ans après notre première rencontre. Elle me fait l’honneur d’ouvrir une série d’interviews sur ce thème fondateur qu'est celui de la confiance. Jeanne nous présente sa jeune et jolie marque Maison Césame qui propose une sélection de pépites chinées et de pièces artisanales ainsi que des services de conseils déco et de location d’objets, tout ça dans une démarche humaine et éco-responsable. Elle nous ouvre les portes de sa maison.
Jeanne, depuis que je te connais je vois beaucoup de soleil en toi. D'où te vient cette confiance et cette verticalité ?
C’est quelque chose que l’on me renvoie souvent. Je pense que dans la construction de cette confiance l’éducation a joué un rôle fondamental. Petite j’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’amour autour de moi. Mes parents étaient très amoureux. Mon père était heureux, il le disait. Il répétait qu’il avait de la chance de nous avoir ma mère, ma soeur et moi. C’était un homme qui avait vécu des moments difficiles, qui savait apprécier son bonheur et qui le clamait. Mon père était un grand optimiste. En disciple de Rousseau il pensait que l’homme est bon par nature. Il avait une grande croyance en l’homme et en la vie. L’amour de mes parents m’a apporté de la sécurité et c’est sans doute celle-ci qui m’a permis d’aller voir “dehors” sans crainte. Si mes parents étaient très présents affectivement comme ils étaient l’un et l’autre élus de la fonction publique ils n’étaient pas souvent à la maison. Leur investissement politique nous a poussé ma soeur et moi à devenir autonomes. C’est sans doute ce mélange de sécurité et d’autonomie acquise très jeunes qui nous a poussé à aller à la rencontre d’autres milieux que le nôtre. Nous habitions une petite ville de Seine et Marne et en tant que filles du maire nous allions évidemment à l’école publique. Tous nos amis venaient de la cité, nous étions les seules à vivre dans une maison bourgeoise. Je me suis toujours sentie attirée par d’autres milieux que le mien. L’optimisme et la confiance qui m’ont été transmis m’ont ouvert beaucoup de portes. Quand elles se ferment, car comme toute le monde il arrive que la vie ne marche pas comme je le souhaiterais, je me dis toujours que je vais m’en sortir ! Je fais en sorte de voir le positif même quand cela ne va pas. C’est d’ailleurs ce que je fais en chinant des objets finalement, j’aime révéler la beauté des objets auxquels on ne prête pas attention ! Et c’est la même chose pour les gens.
Déjà 3 métiers derrière toi ? Le chemin que tu prends semble avoir de beaux virages ? Qu'est-ce qui guide tes choix ?
Le fil rouge qui a guidé mes choix professionnels est le même depuis la fin de mes études de communication politique et publique : la quête de sens. A la sortie de la Fac c’est à la lecture d’un article dans Le Monde sur l’ONG l’Adie et sa Présidente Maria Nowak que j’ai choisi d’intégrer cette institution de microcrédit qui prône la confiance en accordant des prêts de petits montants à des personnes à qui les banques tournent le dos. J’y ai travaillé 10 ans et c’était passionnant. Avec l’arrivée des mes filles j’ai eu envie d’avoir un métier plus en harmonie avec le rythme de la petite enfance. C’est ainsi que j’ai choisi de devenir Educatrice Montessori dont les principes et méthodes d'apprentissage sont basées sur la liberté et la responsabilisation des enfants. Cette éducation alternative me parlait car elle rejoignait ce que je faisais intuitivement avec mes enfants, croire en eux, en leur potentiel tout en respectant leur rythme. Là aussi comme à l’Adie je suis allée vers des institutions qui placent la confiance au coeur de ses valeurs !
Comment est née Maison Césame ?
J’ai ensuite éprouvé le besoin de me poser, de prendre du temps pour moi après avoir beaucoup donné pour mon travail et mes enfants. C’était un moment de ma vie difficile, mon père nous avait quittés. J’avais besoin d’un projet mais je ne savais pas quoi. Une rencontre avec une sophrologue m’a poussé à m’écouter et à suivre une formation en lien avec mes goûts. Son “Faites-vous plaisir, amusez-vous” à raisonner en moi. Je suis donc allée chercher dans ce que j’aimais faire. Le goût du beau, ma passion pour la chine m’ont amené à regarder du côté de la brocante et de l’artisanat. Mon lieu de vie, une ancienne verrerie, remplie d’artistes, peintres, photographes, céramistes et le souvenir des déjeuners du dimanche dans la belle salle à manger de mes parents collectionneurs de vaisselles anciennes et de beaux objets ont certainement cultivé mon amour du beau. Et puis j’ai toujours aimé réparer et embellir des meubles. Il y avait aussi ça faire du beau avec du vieux, redonner vie aux objets oubliés, raconter une histoire. Ces jolies assisettes seront là après nous, elles restent. La seconde main, c’est important pour moi, rien n’est neuf chez moi ou presque. Avec des enfants recycler est une nécessité. J'ai toujours préféré donner, réparer plutôt que jeter. Avec Maison Césame je prône une consommation plus raisonnée.
Quelles ont été les étapes structurantes de l’ouverture de Maison Césame ?
Le choix du nom ! Césame c’était le nom de mon chat que nous étions allées chercher avec mes filles à la mort de mon père. Hélas le petit chat est mort bien trop tôt et donner son nom à ma marque était certainement une façon de le faire revivre. Une interprétation psy irait sans doute encore plus loin en faisant un lien avec mon père ! Avec le nom Maison Césame j’ai aussi pensé à la caverne d’Ali baba ! Une maison qui s’ouvre sur plein de trésors.
En ancienne communicante le choix du logo était très important. J’ai choisi le trèfle pour véhiculer le vivant comme inspiration et raison d’être de Maison Césame. Les 4 feuilles renvoient à la rareté des pièces que je chine, au trésor, à la pépite, au côté unique. Et bien sûr le trèfle symbole de chance et porte-bonheur !
Une fois qu’on a travaillé la raison d’être de sa marque, trouvé son nom et son image il reste tout à faire ou presque ! Trouver les canaux pour dénicher les pépites, développer son réseau sans oublier toutes les tâches administratives et logistiques. Je passe pas mal de temps dans les ressourceries où je trouve et retape des trésors, j’enchaine les brocantes lors des saisons de mars-avril et de septembre-octobre et je scrute Bon Coin où j’adore chiner des pièces uniques pour mes clients. Lorsque j’ai démarré je ne voulais faire que du local pour aller jusqu’au bout de ma démarche éco-responsable. Je ne livrais qu’en vélo mais j’ai vite constaté que cela allait hélas trop freiné ma croissance fût-elle petite ! Je me console en livrant avec Cocolis et emballant mes colis avec du tissu comme le font les japonais avec les Furoshiki.
Comme tout entrepreneur j’ai un plan d’actions que je suis mais je fais surtout confiance aux rencontres et aux demandes diverses et créatives de mes clients ! J’ai par exemple chiné des vases pour un fleuriste ou encore chiné 40 bougeoirs anciens dépareillés pour un mariage. Après le mariage les 40 bougeoirs n’avaient plus d’utilité alors je les ai mis dans un catalogue qui se remplit peu à peu dans un but de location d’objets pour de l’événementiel en tout genre. J’ai plein de projets, cela part un peu dans tous les sens mais je me fais confiance.
Jeanne, tu as 4 filles. Comment arrives-tu à conjuguer vie de maman et vie professionnelle ? Quel est ton secret ?
Avant tout je me sens soutenue, je suis bien entourée. Mon compagnon, le père de mes filles me soutient dans tout. Ma famille, mes proches sont très présents et je peux aussi m’appuyer sur les personnes avec qui j’ai suivi une formation en lien avec l’entreprenariat. Nous formons un réseau uni et solidaire. Je peux aussi m’appuyer sur mon sens de l’organisation. J’ai un planning sur le frigo qui pose les grandes échéances de la semaine ainsi que les principaux événements de ma petite famille. Récemment je l’ai réduit à la fois pour alléger ma charge mentale et faire travailler ma mémoire (!) mais aussi pour me dire que si j’oublie quelque chose c’est que ce n’était pas important.
Les filles aident, rangent leur chambre, plient le linge, vident le lave-vaisselle et elles se sont fait leur propre planning.
Le père de mes enfants est Laotien et comme le dit le proverbe « Le Vietnamien plante le riz, le Cambodgien le regarde pousser, le Laotien l’écoute pousser, le Thaïlandais le vend et le Chinois le mange », autrement dit à la maison nous avons opté pour une ligne de conduite qui ne met pas trop de pression. Je recherche l’équilibre, si je me sens trop envahie, je décide de faire une pause. Cette pause c’est de me réserver des espaces rien que pour moi ! En mai dernier par exemple je suis partie 3 fois sans ma petite famille, avec des amis et avec ma mère et ma soeur. Prendre du temps pour soi et se faire plaisir est selon moi très important pour se ressourcer. Je m’échappe de temps en temps chez ma soeur à la campagne, j’ai retrouvé le plaisir de la lecture en lisant tous les soirs et je me suis mise au violoncelle.
Qu'apprends-tu de tes filles ?
Passer du temps avec elles me ressource, elles ont ce don de me ramener à l’instant présent. Ce temps avec elles me permet de mieux me connaître, de comprendre mes réactions. Leur spontanéité, leur curiosité, leur regard émerveillé sur le monde m’impressionnent.
Elles ont plein de rêves ! Cela me donne de l’élan. Je les encourage à faire ce qui va les rendre heureuse. Gagner de l’argent n’est plus une fin en soi aujourd’hui.
Comme elles sont toutes très différentes, et même si j’adore les moments avec ma petite tribu, j’essaie de faire des choses en solo avec chacune d’entre elle en fonction de leur goût. Mes filles ont entre 5 et 13 ans. L’ainée adore la mode et a toujours été très créative, elle a récemment créé une collection de pyjamas toute seule, sans tutos. Elle a plein de projets et se fait confiance. Elle lit beaucoup et en anglais, elle adore la poésie et le théâtre ! L’enfance se construit aussi en fonction de la fratrie. Si les grands font du piano il est vraisemblable que les plus petits choisissent des voies opposées. C’est en tout cas ce que je constate. Ma 2ème fille est un véritable couteau suisse, une vraie petite maman qui m’aide beaucoup à la maison, sans doute trop. La 3ème est la plus indépendante et est très proche de son père. Prendre sa place auprès de deux grandes soeurs n’est pas évident, alors elle a choisi de prendre sa place à l’extérieur de la maison. Elle a plein de copines/copains. Dehors c’est la Queen. Ma dernière qui est encore très petite a un tempérament de feu. Elle s’entend à merveille avec l’ainée. C’est un bonheur de la voir grandir et s’émanciper peu à peu.
Quels sont les fondamentaux de l’éducation de tes filles ?
L’une des bases de mon éducation repose sur le respect et la tolérance aux autres. Je parle beaucoup avec mes enfants. Je leur dis qu’il y a des inégalités. Je pense que grâce à mes parents je n’ai jamais eu peur des autres, de l’inconnu. Ma mère nous a élevées en nous faisant comprendre qu’à partir du moment où l’on considère l’autre, ça se passe bien. Grâce à cette “clé” je n’ai jamais eu peur et sans doute que grâce à ce principe je n’ai jamais eu de problème. Quand tu considères l’autre ça se passe bien même dans des situations critiques !
J’élève des filles, je leur apprend à ne pas se laisser faire, à savoir dire non. Je fais tout pour qu’elles aient confiance à commencer par leur faire confiance. Je les encourage à tenter des choses, je leur apprend à donner le meilleur d’elles-mêmes. L’échec fait partie de l’apprentissage, c’est lui qui aide à réussir et l’école apprend ça. Si elles veulent faire des grandes choses, je leur dis qu’il faut travailler. Je ne cherche pas à les protéger. J’ai mis un point d’honneur à les mettre dans le public même si nous vivons dans un quartier difficile de la région parisienne. Toujours et encore la confiance !
Deux autres fondamentaux : nous pratiquons beaucoup l’humour à la maison, nous essayons de leur apprendre à ne pas prendre les choses trop au sérieux et nous cultivons le contact à la nature.
Quels conseils donnerais-tu à des personnes qui aimeraient changer de vie professionnelle ?
Se faire confiance
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Suivre son intuition, savoir s’écouter
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Savoir demander de l’aide, ne pas rester seule
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Etre patient et indulgent avec soi-même
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Peux-tu nous sélectionner un objet coup de coeur absolu et un que tu as créé ?
Pour l’objet coup de coeur je diras ma collection d’assiettes Terre de fer de la faïencerie Boulenger de Choisy-le-roi, ville dans laquelle j’habite et qui qui fait partie de son histoire ou encore les lampes que j’ai crées à partir d’isolateurs électriques qui ont beaucoup de succès.
Quelques exemples d’objets chinés par Jeanne. Sélection à retrouver sur le site de Maison Césame
Pour chiner de jolis objets, des pièces uniques, pour faire des cadeaux qui ont du sens, pour se faire conseiller par Jeanne si vous avez envie d’une déco responsable, ou encore pour louer des objets dans le cadre d’un événementiel perso ou pro > Maison Césame / Instagram
Tous les articles de mon Blog se composent avec une playlist, pour terminer donne-moi un morceau de musique qui te donne de la force !
Sans hésiter Aretha Franklin “Respect”, morceau que je trouve terriblement “peps” et qui me donne tout de suite la pêche ! Et puis tout Nina Simone, en particulier “I wish I knew how I would feel to be free” (Jeanne moi aussi, I Wish fait partie de mes best song ever…).
Deux femmes fortes et libres.